Expérimentation d’un dispositif cinématographique de proximité
Le récit d’expérience constitue la source principale du media VilletaLocale. L’objectif est de raconter de la manière la plus authentique possible une ville de banlieue et ses quartiers, alors que circule dans l’espace public une majorité de points de vues extérieurs, spécialisés, parfois déformés, à la fois sur les plans artistiques, médiatiques ou urbanistiques. Il s’agit donc de mettre en question la ville de façon inhabituelle, du point de vue de celles et ceux qui la vivent, alors qu’il n’est pas toujours évident de s’inscrire, individuellement comme collectivement, dans l’espace et le temps de sa propre ville, et de saisir les enjeux et changements qui la traversent.
Une ville racontée par son avenir
Le média VilletaLocale prend racine à Villetaneuse, une des communes les plus jeunes de France, avec plus de la moitié de sa population âgée de moins de 30 ans ; des nouvelles générations qui évoluent dans une ville en mouvement perpétuel, avec une histoire ponctuée de moments de rupture importants. Avec l’arrivée de nouvelles lignes de transport en commun et les phases successives de rénovations urbaines, Villetaneuse est en constante transformation. Dans son histoire, la ville a d’ailleurs connu de nombreuses métamorphoses, parfois brutales, du fait notamment de son urbanisation à marche forcée (cf. article « Villetaneuse, une ville de banlieue en mouvement »).
Ces particularités historiques fournissent une matière considérable pour un travail audiovisuel, notamment en mettant les habitant.e.s en capacité d’en être les auteur.e.s. VilletaLocale espère ainsi lancer ces jeunes générations sur les traces de cette ville en mouvement, et d’en faire une oeuvre collective authentique. De même, alors que le champ artistique cherche souvent à « changer les regards extérieurs » sur la banlieue, ce projet est avant tout pensé comme un processus pouvant permettre non seulement de dépasser ces points de vue, mais aussi de changer le regard des jeunes habitant.e.s sur elles.eux-mêmes et leur environnement.
Des paroles singulières face à la narration majoritaire
VilletaLocale développe un processus endogène d’exploration de l’urbanité et invite ainsi des habitant.e.s à reprendre possession des réalités sociales et historiques qui animent leurs espaces de vie, par le biais de la création. Au-delà de la commune de Villetaneuse, le projet répond à une réflexion plus globale sur les enjeux de l’appropriation (ici sur le plan artistique) de son lieu de vie, pour envisager une inscription et une transformation positives, et se sentir appartenir à une histoire plutôt que d’avoir l’impression d’en être l’éternel élément insignifiant.
Ces pratiques s’inscrivent en décalage d’une conception dominante du cinéma, accessible uniquement aux initié.es, via les circuits classiques de formation, de production et de diffusion. Lorsqu’il s’agit de projeter un imaginaire à propos des quartiers de la Seine-Saint-Denis et d’ailleurs, les propositions cinématographiques relèvent la plupart de récits élaborés à partir de points de vue exogènes, parfois malgré les bonnes intentions des auteur.e.s. Majoritairement soumise à des impératifs de marché et aux intérêts d’une élite artistique, cette confiscation de la production audiovisuelle déforme les réalités, et exclut de fait certains milieux sociaux du puissant mode d’expression artistique qu’est le cinéma.
En prenant le temps de produire des contenus de façon collaborative et avec les principaux.ales intéressé.e.s, la création audiovisuelle permet de raconter des histoires et d’exprimer des sensibilités au plus proche des aspirations et des imaginaires des protagonistes. Ainsi, il ne s’agit pas simplement d’amener le cinéma vers les personnes et les espaces publics qui en seraient exclus,
mais bien de le rendre accessible en tant que mode d’expression universel, et non en tant qu’objet culturel produit du dehors par quelques personnes reconnues dans le champ artistique dominant. Localement, par le biais de VilletaLocale, l’association de l’Autre champ agit pour un cinéma d’expérience, ouvert à tous.tes, dont la pratique authentique génère des narrations vivantes.
